Le viager, la révolution immobilière discrète

Le viager, déjà populaire en France, gagne en popularité en Suisse. Cette méthode offre aux vendeurs une source de revenu stable à vie tout en conservant l'usage de leur bien, tandis que pour les acheteurs, c'est une opportunité d'investissement moins coûteuse à court terme et de diversification de portefeuille

L’allongement de l’espérance de vie et l'amélioration des soins médicaux qui permettent de rester chez soi et le fait qu’il faut trouver parfois des moyens supplémentaires pour financer sa retraite prolongée ouvrent de nouvelles perspectives en matière de transactions immobilières, telles que le viager, l’usufruit ou le droit d’habitation. Le viager, en particulier, permet au vendeur d'augmenter ses revenus tout en restant dans sa maison, tandis que l’acheteur peut devenir propriétaire sans recourir à un emprunt bancaire. Le viager se caractérise par le versement d'une rente mensuelle à vie au vendeur, également appelée "rente immobilière", offrant ainsi un revenu garanti. Il est important d'examiner les différents types d'achat en viager, leurs modalités et les particularités propres à la Suisse.

Définition & modalités

La notion de «viager» désigne des contrats où une prestation est due tout au long de la vie d’une personne, et son extinction est liée au décès de cette dernière. En droit suisse, le contrat de vente en viager, acte notarié, permet au vendeur de continuer d’habiter dans son logement. Le financement se fait principalement par le versement d’un capital, appelé le bouquet, assorti d’une rente viagère. Il peut aussi s’agit d’un versement d’un capital unique. Ce type de contrat implique un vendeur, également appelé crédirentier, qui cède son bien tout en restant dans les lieux, et un acheteur, débirentier, qui s’engage à verser un capital et des rentes selon les termes convenus. Comme dans une transaction classique, le vendeur transfert la propriété de sa maison ou de son appartement à l’acheteur, mais à certaines conditions particulières. En principe, le vendeur garde le droit d’y habiter et reçoit une rente mensuelle jusqu’à la fin de sa vie. Au moment de la transaction, un montant équivalent à environ 20 à 30% de la valeur de marché du bien immobilier est versé au vendeur.

Le viager offre diverses configurations :

  • Viager occupé : le vendeur conserve le droit d'habiter ou d'user du bien jusqu'à son décès.
  • Viager libre : le vendeur renonce à son droit d'habitation ou d'usufruit, permettant à l'acheteur d'occuper ou de louer le bien tout en versant une rente.
  • Viager partiellement occupé : le vendeur conserve partiellement le droit d'habitation ou d'usufruit, tandis que l'acheteur peut utiliser les autres parties du bien à sa guise, moyennant le paiement d'une rente.
  • Viager à terme : le vendeur fixe une limite temporelle pour le paiement de la rente et l'usufruit. Cette forme est souvent privilégiée par les vendeurs plus jeunes. Dans ce cas, si le vendeur décède avant la date convenue, les paiements de la rente reviennent à ses héritiers.

Chaque arrangement présente ses particularités et devrait être choisi en fonction des besoins spécifiques des parties impliquées.

Image
Le viager, la révolution immobilière discrète

En Suisse, le cadre juridique du viager est moins défini qu'ailleurs, nécessitant des conseils juridiques spécialisés pour éviter les pièges potentiels. Les aspects fiscaux, notamment l'impôt sur la fortune et l'impôt sur le revenu, doivent être minutieusement analysés pour comprendre les obligations fiscales de l'usufruitier et du nu-propriétaire. La fiscalité liée au contrat de vente en viager est de droit cantonal et il y a lieu de se renseigner en amont auprès de son autorité fiscale. A titre d’exemple, dans le canton de Vaud, le vendeur est soumis à l'impôt sur les gains immobiliers (calculé sur le bénéfice réalisé, sachant que le prix de vente est constitué du montant du bouquet + le montant des prestations périodiques capitalisées) et doit déclarer la valeur du droit d'habitation et des rentes à hauteur de 40%. Sur le plan successoral, le vendeur doit veiller à ne pas léser les réserves de ses héritiers. L'acheteur doit quant à lui payer l'impôt sur les droits de mutation, déductibles à hauteur de 40% pour les rentes viagères. Pour le financement, le vendeur doit s'assurer que le bouquet initial couvre les charges, comme l'hypothèque et les impôts, tandis que l'acheteur devra généralement disposer de fonds propres, les banques étant réticentes à prêter en raison du droit d'habitation prioritaire du vendeur.

Le viager a également son lot d’anecdotes cocasses, comme le cas de Jeanne Calment, doyenne de l'humanité, qui a vendu sa maison en viager à son notaire. Il a payé une rente jusqu'à sa propre mort, puis au travers de son épouse, payant ainsi près de deux fois le prix réel de la demeure en 37 ans.

Image
Le viager, la révolution immobilière discrète - image 2

Avantages & opportunités

Pour le vendeur, souvent une personne âgée cherchant à sécuriser ses revenus, le viager offre une solution unique pour maintenir un niveau de vie confortable tout en restant dans son domicile. Cette option est particulièrement pertinente en Suisse, où le coût de la vie peut être prohibitif pour les retraités. Outre son aspect financier, le viager permet également au vendeur de conserver un sentiment de sécurité et de stabilité en restant dans un environnement familier, avec ses repères et ses souvenirs. De plus, cette forme de transaction permet au vendeur de planifier sa succession de manière efficace, lui offrant la possibilité de léguer un bien immobilier tout en continuant à en bénéficier de son vivant.

Pour l'acquéreur, le viager représente une opportunité d'investissement immobilier à un coût initial potentiellement réduit par rapport à un achat classique. Les paiements échelonnés offrent une flexibilité financière, ce qui peut être particulièrement avantageux dans des marchés où les prix d'entrée sont élevés. De plus, investir dans un viager permet à l'acquéreur de sécuriser un bien immobilier dans un marché où les prix sont souvent exorbitants, offrant ainsi une stabilité financière à moyen terme. En fin de compte, l'acheteur bénéficie d'une transaction sûre et rentable, avec la perspective d'obtenir un logement à un prix avantageux et une acquisition à long terme, assurant ainsi sa sécurité résidentielle tout en investissant judicieusement son capital.

Le viager représente également une opportunité intéressante pour le marché immobilier, offrant de nouvelles perspectives aux entreprises et injectant un dynamisme supplémentaire dans le secteur. Cette forme d'acquisition immobilière pourrait stimuler l'innovation et encourager de nouvelles entreprises à explorer des modèles commerciaux alternatifs. De plus, le viager peut dynamiser le marché en attirant une nouvelle clientèle, notamment des investisseurs cherchant des opportunités innovantes dans un secteur traditionnellement rigide. En fin de compte, cette forme d'acquisition immobilière peut favoriser l'émergence d'un marché plus fluide et adaptable, capable de s'adapter aux évolutions économiques et démographiques à venir.

Cette forme d’acquisition immobilière reste peu utilisée en Suisse, notamment pour des raisons historiques et fiscales.

Un marché confidentiel

Légiféré en France depuis deux siècles, mais pratiqué bien avant cette formalisation, le concept du viager connaît une croissance progressive mais relativement confidentiel en Suisse. Les Suisses, généralement plus conservateurs en matière d'investissements immobiliers, sont parfois hésitants à s'engager dans un arrangement basé sur la durée de vie d'un propriétaire âgé, même si cela peut offrir un accès à un logement à moindre coût. Néanmoins, l'idée du viager commence à gagner en popularité en Suisse, notamment en raison de l'allongement de l'espérance de vie, de la qualité des soins médicaux permettant de rester à domicile plus longtemps, et du besoin accru de compléter les revenus de retraite pour maintenir un niveau de vie confortable. Malgré ces tendances émergentes, le viager reste une solution sous-utilisée en Suisse, en partie en raison de considérations fiscales. Par exemple, bien que de nombreux Suisses aspirent à devenir propriétaires, seuls 38 % d'entre eux le sont effectivement, principalement en raison des exigences financières strictes pour obtenir un prêt hypothécaire.

Outre le viager, d'autres solutions similaires existent en Suisse, mieux établies juridiquement telles que l'usufruit et le droit d'habitation. L'usufruit permet à l'utilisateur de jouir pleinement de sa résidence, tandis que le droit d'habitation offre le droit d'occuper la maison, bien que les charges associées diffèrent légèrement entre les deux arrangements. Ces alternatives immobilières, bien que moins courantes que le viager, offrent des options supplémentaires pour les propriétaires cherchant à garantir leur logement tout en bénéficiant de certaines libertés financières. En fin de compte, la décision d'opter pour le viager ou l'une de ses alternatives dépendra des besoins spécifiques de chaque individu et de leur situation familiale et financière, soulignant l'importance de consulter un notaire pour obtenir des conseils spécialisés et prendre des décisions éclairées.

Le viager offre une opportunité fascinante pour les vendeurs âgés et les investisseurs immobiliers en Suisse, promettant des avantages financiers et des solutions de logement pour les seniors désireux de rester chez eux. Cependant, son succès repose sur une connaissance approfondie des risques juridiques et financiers qui y sont associés. Comme pour toute transaction immobilière, une diligence raisonnable et des conseils professionnels sont indispensables pour garantir une prise de décision éclairée et sécurisée. En analysant attentivement la stabilité financière de l'acheteur, les perspectives de longévité du vendeur et les conditions du marché immobilier local, les parties peuvent maximiser les avantages du viager tout en minimisant les risques. En fin de compte, une planification minutieuse et une collaboration avec des experts du domaine sont recommandées pour naviguer avec succès dans ce domaine complexe de l'immobilier suisse.